Un Instant parmi les Fleurs.

Etendue parmi les fleurs, la pensée légère mais triste, Anhendra accueillait le soleil sur les Terres Seizonnes avec un sourire timide.
L'herbe était fraîche, douce, mais son coeur était ailleurs, comme se refusant à voir toutes ces merveilles, toutes ces couleurs dans lesquelles elle baignait sans contraintes.

A entendre et jouer avec ce vent caressant dans ses cheveux, le sentiment de vie qui l'animait encore, ces soins qu'elle prodiguait pour rendre plus agréable la vie de ses compagnons, étaient loin...
Elle venait de connaître l'amertume de la mort, le vide absolu et instantané, et par moment son âme cherchait ce vide, qui semblait la rappeler.

Que pouvait-il bien se passer...
Elle serrait fort dans ses mains ces quelques Alys qu'elle venait de cueillir : un Reikon passant par là aurait presque pu croire que livide, elle demeurait dans une position mortuaire.

Même en cherchant dans ses souvenirs, jamais elle n'avait ressenti cela auparavant...

*Nali, où es-tu, pourquoi m'abandonnes-tu là, lasse de toute envie, quand j'ai tant besoin de toi...*

Elle ferma ses paupières aux agressions subtiles mais insistantes du soleil.
La solitude... Si bien entourée et pourtant seule...

*Qu'arrive-t-il...*

Elle sentait cette détresse passive résonner dans tout son corps...

*Ô Grande Déesse de la Vie, aide-moi, je t'en prie...*

"Le Rêve. Le Rêve nous emporte tous vers l'Espoir.
Mon Enfant, tu dois garder l'Espoir.
Il est l'essence même de la Vie."

Anhendra ouvrit soudainement les yeux.

*Nali ?*

Ou juste un écho lointain d'un voeu, de l'entendre... Après tant de prières.
Des gouttelettes avaient perlé sur son visage, et pourtant aucun nuage, mais le ciel...
Etait envahi d'une lumière intense et blanche.

*Pourtant il ne pleut pas.*

Elle se redressa, les yeux toujours dans ces nuages si absents.
Sa robe verte et bleue s'était pâlie de blanc elle aussi, et d'or.

Nali ?, répéta-t-elle, en vain.

Comme si la nature s'était figée autour d'elle, plus aucun bruit, un silence éternel.
Puis...
Un court son de respiration.

Aeh.

Elle ouvrit à nouveau les yeux, brutalement.
Elle était allongée dans l'herbe, les pupilles pleines d'incompréhension.

Le ciel était cette fois-ci gris, pluvieux, et les gouttelettes étaient là, dans l'air et sur ses joues. Réelles.
Ainsi que la couleur de sa robe. Pas de blanc ni d'or à l'horizon.

Elle s'assit, les bras tendus en arrière, les mains dans l'herbe rafraîchie. Sa robe absorbait sans relâche les larmes du ciel, et bientôt elle serait trempée. Mais elle avait quelque chose à faire, et sentant quelque chose dans sa main, elle tourna la tête. Des Alys...

*La cueillette.*

Un coup d'oeil dans les environs, et au loin elle put voir ses compagnons.
Sentiment rassurant, et mélancolique.

Le vide avait-il réussi à emporter son esprit, durant quelques respirations, au Paradis ? Ou était-ce une simple et incurable folie, une envie spontanée de tout arrêter encore, même le temps...

Elle se leva, ses Alys en main.
Et tenta de se clarifier les idées.

*Il me faut... des Jocaicas.*

Elle commença à en chercher.